Dans cet article, je ne souhaite pas vous donner une liste exhaustive de ce qu’il faut faire pour transmettre sa passion à ses enfants. Cependant, je ne résiste pas à l’envie de vous dire, que s’il fallait ne retenir qu’une seule phrase, cette phrase serait, selon moi :
Je vais illustrer cette maxime par un exemple personnel : ma passion pour la musique.
Ma passion pour le piano d’abord
Comme beaucoup d’enfants, j’ai démarré l’apprentissage du piano assez tôt : à l’âge de huit ans, en prenant des cours hebdomadaires en école de musique.
A l’adolescence, je passais en moyenne deux heures par jour à travailler mes gammes et mes arpèges. Pendant que les enfants de mon âge sortaient en ville faire du lèche-vitrine, jouaient au football, ou profitaient d’une soirée tranquille, j’avais rendez-vous avec mes “Études de Czerny” et mes “Classiques favoris du piano”, copinant avec Mozart, Haydn ou Bach.
Autant vous dire que l’on ne sort pas indemne d’une telle expérience. Au bon sens du terme, bien sûr. Pas de panique, je vous explique ce que je veux dire par là dans la suite de cet article 😉
Tout d’abord, procédons par ordre chronologique, une vieille habitude chez moi, qui a le mérite de m’éviter de perdre le fil de mes pensées.
Mes études supérieures me demandant de lâcher l’affaire, je mis donc entre parenthèses ma pratique instrumentale pendant quelques années. J’avais cependant tendance à bien m’entendre avec des personnes passionnées de musique, notamment des accros du “Printemps de Bourges”, qui me faisaient découvrir des musiques hors des sentiers battus, qui ne rentraient pas dans les circuits habituels des variétés françaises et internationales.
De temps en temps, quand un piano apparaissait dans mon champ de vision quotidien, je travaillais quelques semaines pour accompagner un ami au chant, André pour ne pas le citer, pour un concert organisé par les étudiants, sur un air de “La flûte enchantée” de Mozart, ou un medley de “West Side Story” . Que du bonheur, mais très ponctuel.
Je passais ainsi du statut de “piano solo”, seule dans ma bulle, à “piano duo face à un public”. Les gens venaient vers moi en me disant : “Ah ! Mais je ne savais pas que tu avais ce talent !” . Moi, je pensais que c’était surtout le fruit d’un travail et d’une passion, mais cela me faisait plaisir.
Je garde un souvenir ému de la carte de remerciements rédigée par le professeur de chant d’André, heureuse, je la cite, d’avoir été l’occasion de me donner l’opportunité de me remettre à la musique.
Ma passion pour le violon ensuite
Découverte de la musique traditionnelle
Jeune adulte, j’ai découvert la musique traditionnelle lors d’un concert donné dans un pub de Glasgow. Ce fut un véritable coup de foudre pour le violon. Pas pour le musicien, comme à l’époque certains auraient pu le penser. En me réveillant le lendemain matin, je déclarais solennellement à mes amis : “Je me mets au violon, je vais jouer comme le gars d’hier soir”. L’un d’entre eux m’a répondu en plaisantant : “Si tu te mets au violon, je me mets à la guitare”.
Moi, j’étais très sérieuse. La musique pour moi, ça ne rigole pas !
Apprentissage de la musique “à l’oreille”
A mon retour en France quelques jours plus tard, je me suis donc procuré un violon en location, et je me suis inscrite à un atelier de musique traditionnelle. Je pratiquais le violon “à l’oreille” , encore une fois de manière assidue et passionnée. Une heure par jour en moyenne. Progrès fulgurants, intégration à un groupe local de musiciens amateurs, rencontre de l’âme sœur, musicien également, un véritable conte de fées.
Plus facile à transporter que le piano, mon violon vibrait près de mon cœur.
Mais autant vous dire que pour les concerts, j’avais envie de me cacher sous la scène au moment de faire les balances, seule devant le micro. Heureusement, une fois les réglages terminés, les notes coulaient avec fluidité. J’étais rassurée par le soutien des autres musiciens du groupe.
Quelques années plus tard, pendant mes grossesses, mon violon envoyait ses ondes magiques au corps endormi de mes enfants, avant même qu’ils ne voient le jour.
Ma passion pour le chant enfin
Ce n’est que jeune maman proche de la quarantaine, que le piano est revenu prendre une place de choix dans ma vie. J’avais la possibilité de prendre des cours sur mon lieu de travail. J’ai aussi intégré un atelier de chorale. C’était plus facile de se fondre dans un groupe, car ainsi personne ne m’entendait, enfin c’est ce que je croyais.
Mon professeur me disait “Allez, il faut oser chanter !” Complètement tétanisée au départ, j’ai appris à me détendre et à ouvrir grand la bouche. Après tout, je chantais à peu près juste à l’adolescence, quand je prenais des cours de solfège en école de musique 😉
Laisser circuler le souffle, ventiler son corps et son âme. Mes collègues et moi sortions des ateliers en chantant et en riant : l’objectif était atteint.
De fil en aiguille, j’ai eu l’occasion de suivre aussi des ateliers de coaching vocal, pour participer à des concerts amateurs, aussi bien classiques que rock and roll. Je clamais seulement quelques mois plus tôt : “Seule au micro devant le public, jamais de la vie” .
Maintenant, les concerts ont lieu tous les trois mois, les répétitions de groupe sont mon lot presque quotidien. Ce n’est pas mon métier, mais cela me fait un bien fou, et cela se voit.
Pour déjouer le mauvais stress, celui qui paralyse, avant de chanter pour un concert, après mes exercices de respiration, je me détends en jouant en salle de répétition, mes deux airs de piano fétiches : “Sixième sonatine pour piano” de Clémenti, et le “Final” de Kulhau. Je me sens bien.
Ces morceaux, que j’ai appris et aimé il y a plus de trente ans, sont restés ancrés au bout de mes doigts sans que je sache m’expliquer comment et pourquoi. Ou bien si. Ils sont moi et je suis eux.
Alors je n’ai plus peur de rien et je me lance, soutenue par les musiciens et les choristes, amateurs éclairés comme moi. Mes prestations sont loin d’être parfaites, mais je me fais plaisir et j’offre ce plaisir au public. Je suis enfin moi-même, pleine de vie et d’énergie à partager.
Transmettre sa passion à ses enfants
Des cours de musique pour transmettre sa passion ?
Mes enfants ayant aussi un papa musicien amateur, nous leur avons proposé à l’âge de raison, des cours en école de musique. Piano pour l’ainé, batterie pour le cadet.
Ils aimaient bien mais … pas assez pour travailler régulièrement. Après deux années de négociations régulières pour pratiquer ne serait-ce qu’une quinzaine de minutes deux ou trois fois par semaine, nous nous sommes questionnés sur l’utilité de les forcer à pratiquer un instrument.
Les exigences en école de musique étaient de plus en plus élevées : contrôle tous les quinze jours, obligation de participer à un atelier de groupe en plus du cours de solfège et du cours d’instrument. Autant de facteurs qui nous ont fait réfléchir.
Ou bien transmettre sa passion par l’exemple ?
Nous avons alors décidé que le mieux était de les faire évoluer dans un milieu musical, et cela était le cas, sans que cela devienne une source de conflit. Et de leur laisser la porte ouverte :
- Après avoir joué du piano, leur demander s’ils “veulent la place” .
- Les complimenter sur ce qu’ils avaient accompli en tant que musicien quand ils pratiquaient un instrument.
- Leur dire qu’ils peuvent changer d’avis, même à l’âge adulte.
- Les inciter à écouter beaucoup de musique.
- S’intéresser à leurs goûts musicaux. J’ai redécouvert le rap grâce à mes deux ados : le rap n’est pas un genre mineur. J’écrirai un article à ce sujet dans quelques semaines.
- Accepter sans me vexer qu’ils n’aiment pas “tout ce que je fais” .
- Leur proposer de venir m’écouter à une répétition ou à un concert quand ils sont libres.
- Dire à mes enfants que c’est important pour moi et que j’ai envie de leur montrer ce que j’aime.
- Leur proposer de se joindre à moi pour des ateliers “en famille” .
Argh ! J’avais dit que je ne ferai pas de liste.
Désolée !
Il y a tant à faire, chacun à sa manière, pour partager sa passion 😉
Dans tous les cas, ma meilleure récompense est de les entendre dire à leurs amis : “Ma mère est épanouie car elle fait de la musique” .
A la rentrée prochaine, ils m’ont même demandé de prendre des cours de chant…
C’est plutôt pas mal non… Qu’en pensez-vous ?
Bravo pour cette implication des enfants dans votre passion ! A l’époque où les écrans monopolisent leur attention, c’est idéal d’avoir une telle activité à partager avec eux.
Merci pour ce partage Carole. Je vois que nous avons beaucoup de points communs. J’ai moi-même commencé par le piano classique en conservatoire. Puis j’ai arrêté pour faire du violon. Mais le piano est vite revenu… Plus tard, à 16 ans j’ai fait du violoncelle et l’avantage quand on fait un troisième instrument, c’est que ça va très très vite ! Et là j’en ai fait 7 ans. J’ai d’ailleurs repris depuis peu…
Faire d’un autre instrument pour les pianistes est très enrichissant, car le monde du piano manque parfois de souplesse, de chant et de sensations. Et de plus ton approche au violon, d’après ce que j’ai compris était plus à l’oreille et de musique traditionnelle, soit le parfais complément de ta formation d’enfant. Les instruments à clavier sont les seuls que l’on ne porte pas et avec lesquels on a très peu de contact physique. D’autre part le piano, de part sa taille et sa couleur impressionne et instaure une distance naturelle. Pour les enfants cette “lourdeur” est encore plus impressionnante.
Et le chant ! C’est la clé de tout instrumentiste pour réellement comprendre et vivre la musique dans sa chair. Bravo à toi Carole pour toutes ces expériences de musicienne et ce courage pour sortir de ta zone de confort et te montrer en public. Peu de gens passe ce cap, même chez les professionnels. Je suis très admirative.
En tant que maman ayant également des enfants qui ont arrêté la musique, je vois qu’il est encore possible de parler musique à ses enfants. Etant moi-même professeur de piano, j’ai tellement peur de les faire suer avec ma passion, que je pense tomber parfois dans l’excès de manque de partage. Je vais donc corriger un peu le tir…
Merci à Ghislain d’avoir rajouté son expérience de papa improvisateur ! C’est une des clés fondamentales et manquantes dans la plupart des cas en école de musique à l’heure actuelle : la créativité, et donc plus précisément l’improvisation. Cela fait partie de mes grands combats de ces 10 prochaines années : promouvoir l’improvisation au piano et plus généralement dans les écoles de musique. Vaste programme !
A bientôt !
Il est aussi intéressant de mêler les genres artistiques.
Mes ados prennent des cours de théâtre. Je leur ai proposé de faire de l’improvisation (muette) sur des morceaux que je jouerais au piano … Ils n’étaient pas trop partants.
Je n’ai pas insisté, puis quelques semaines plus tard ils se sont mis au piano et ont improvisé, ma foi des choses que je ne me sens pas (encore) capable de faire. Je me suis alors mise à faire de l’impro théâtre. J’ai attrapé ce nouveau virus en faisant un stage l’été dernier, mais je n’ai pas (encore) le temps de pratiquer.
Un beau programme festif et artistique parents-ados en perspective … Je vous donnerai des nouvelles sur le blog 😉
Bonjour
Bravo pour ce bel article avec lequel j’adhère .… je suis moi même violoniste amateur (blog improviser-au-violon.fr), et j’ai un peu raté avec ma fille ainée à laquelle je faisais travailler son piano, parfois non sans heurt .… elle a arrêté à 14 ans.
Avec la 2eme qui a 8 ans, qui apprend la flute traversière au conservatoire, j’ai changé : avec elle on s’amuse ensemble à improviser.
Pour l’instant, elle en redemande car elle découvre une approche très différente de celle de son enseignement classique.
Le problème des écoles est en effet qu’on leur demande d’apprendre la technique pour pouvoir jouer de la musique .… alors qu’il faudrait faire l’inverse : faire de la musique avec eux, et pour y arriver, ils apprennent la technique nécessaire.
Le rôle des parents me semble donc être : donner envie en partageant un univers “musical”.… et aborder par le plaisir.
Ainsi ma 2eme fille travaille seule sa flute et vient me demander lorsqu’elle n’y arrive pas.
Exemple de jeu musical :
j’improvise et elle doit me décrire l’image que ma musique lui inspire .… puis on inverse les rôles !
Ghislain
Merci Ghislain pour ton témoignage.
Ton sujet de blog m’intrigue. Il va falloir que je me dégage du temps pour sortir la colophane de sa boite, car mon violon est suspendu au mur de ma chambre, mais il sert plutôt de déco depuis quelques années 😉
Bravo ! J’adore chanter (pour moi !) et je considère que cela devrait être reconnu d’ ”utilité publique”, voire même remboursé par la sécu tellement ça fait du bien au corps, à l’âme ! La musique nous permet de vibrer et nos cellules adorent 🙂
J’ai bien aimé le parallèle entre “talent” et “passion+travail”. Travailler pour sa passion c’est peut-être ça le secret du bien-être…
Christine
Bonsoir Christine,
Si vous adorez chanter pour vous, chanter aussi pour les autres ! Quand on travaille sur sa passion, on arrive à surmonter sa fatigue et on ne compte plus les heures …
A bientôt sur Adolescence Positive,
Carole.
En effet, le chant, la musique est une vraie thérapie !
A partir du moment où mes enfants se passionnent pour une activité, qu’elle soit sportive, intellectuelle ou artistique, cela me va 😉 .
Au lieu de devenir une source de conflit, cette belle approche doit certainement contribuer à développer de beaux liens avec les enfants, merci!!