Kpop random play dance : les ados entrent dans la danse

Kpop : les ados entrent dans la danse

Auteurs invités :

Anne-Claude Jaouen

Crédits photo : Gwe­naël Hamon

Si vous avez un ado­les­cent à la mai­son, vous avez enten­du par­ler de KPop : « K » pour Corée et « pop » pour le style musi­cal. Deux pos­si­bi­li­tés : soit il affiche un mépris total pour ces boys ou girls bands venus de Corée, soit il mono­logue sur BTS en glous­sant et a des mots en alpha­bet han­geul tatoués au sty­lo sur le corps. Rien d’inquiétant à cela. Rien d’alarmant non plus s’il quitte le domi­cile avec sa baffle connec­tée sous le bras pour aller dan­ser dans la rue. Car il ne vous ment pas, il rejoint sim­ple­ment une ses­sion de Kpop ran­dom play dance. Expli­ca­tions sur ce phé­no­mène inter­na­tio­nal qui intrigue autant qu’il fascine. 

La Kpop se danse : chorés made in Corée

La Kpop random play dance : mode d’emploi

Cela com­mence par une annonce sur une page Tik­Tok, Ins­ta­gram ou Face­book. Le lieu et l’heure du ren­dez-vous se répandent comme une traî­née de poudre via les réseaux sociaux. L’occasion est trop belle : les abon­nés ne man­que­ront pas l’opportunité, sur­tout si elle est locale. 

Random play dance et espace chorégraphique

Une ran­dom play dance s’organise n’importe où, de pré­fé­rence en exté­rieur ou dans un lieu fer­mé qui peut accueillir un nombre impor­tant de par­ti­ci­pants. Les centres com­mer­ciaux qui l’acceptent sont des refuges par­faits en cas de mau­vais temps. 

Le maître-mot est l’espace : on ne peut savoir à l’avance com­bien de dan­seurs répon­dront pré­sent ni com­bien de spec­ta­teurs s’arrêteront pour obser­ver ces cho­ré­gra­phies au cordeau.

Déroulement d’une Kpop random play dance

Il reste à pré­voir une enceinte et une play­list de Kpop qui tour­ne­ra en mode aléa­toire (ran­dom en anglais) jusqu’à épui­se­ment des dan­seurs. Les par­ti­ci­pants ne savent pas à l’avance quelle sera la pro­chaine chan­son. Dès la fin d’un mor­ceau, il faut se pré­pa­rer à exé­cu­ter d’autres mou­ve­ments : l’excitation est palpable. 

Les fans se posi­tionnent en fer à che­val face à l’enceinte. L’un d’entre eux lance la musique, et c’est par­ti ! Dès qu’ils recon­naissent la chan­son et pour peu qu’ils en maî­trisent la cho­ré­gra­phie, les dan­seurs bon­dissent au milieu de la piste et font ce pour quoi ils sont pré­sents. À chaque chan­ge­ment, ils vont, viennent et vibrionnent. Quid de l’apathie adolescente ? 

Ils se placent au plus près du son s’ils connaissent la cho­ré­gra­phie à la per­fec­tion ou res­tent plus en retrait s’ils hésitent un peu. Ceux qui ne sont pas prêts atten­dront le mor­ceau sui­vant. Il vien­dra sans tar­der, car les titres ne sont pas joués en inté­gra­li­té. Ça va vite, très vite.

Ce n’est pas une bat­tle ni un concours. Il n’y pas de com­pé­ti­tion, mais plu­tôt une saine ému­la­tion. Cha­cun par­ti­cipe quand il le sou­haite, et peut s’arrêter à tout moment pour faire une courte pause ou obser­ver les prouesses des meilleurs.

Kpop random play dance à Nantes, août 2023. © Gwenaël Hamon
Kpop ran­dom play dance à Nantes, août 2023. © Gwe­naël Hamon

Les danseurs de Kpop : travail et dépassement

Kpop random play dance : une activité de précision

La ran­dom dance est une acti­vi­té de pré­ci­sion : sur la piste, rien n’est lais­sé au hasard. Les dan­seurs et dan­seuses imitent avec une minu­tie per­fec­tion­niste ce qu’ils ont appris en regar­dant les vidéos de leurs idoles. 

Les groupes ont com­pris la fer­veur des fans : ils postent des vidéos sur You­Tube pour leur per­mettre d’apprendre les cho­ré­gra­phies de leurs chan­sons. Cela s’appelle les dance prac­tice. Comme il existe des tuto­riels pour refaire le joint d’une douche, on trouve des tutos cho­ré pour repro­duire « Deja Vu » d’Ateez ou « Cake » de Itzy.

Cer­tains dan­seurs sont remar­quables, d’autres manquent d’entraînement, mais tous veulent y arri­ver. Des conseils sont pro­di­gués en marge de la scène pour faire pro­gres­ser les novices et leur don­ner envie de se dépasser.

Le tra­vail de pré­pa­ra­tion est intense et exté­nuant. Les écoutes/visionnages sont innom­brables. La mémo­ri­sa­tion est impres­sion­nante. Beau­coup d’en­sei­gnants seraient éton­nés de voir leurs élèves exé­cu­ter des cho­ré­gra­phies mil­li­mé­trées quand nombre d’entre eux se révèlent inaptes à rete­nir dix verbes irré­gu­liers anglais. 

Kpop random play dance : le dépassement de soi

Il y a une volon­té de dépas­se­ment de soi qui sort de l’ordinaire et qui ne semble pas liée à une récom­pense, à des likes ou à des com­men­taires admi­ra­tifs sur la toile. Cer­tains postent la vidéo de la ses­sion sur Tik­Tok et il y a des por­tables qui snap les per­for­mances, mais ce n’est pas suf­fi­sant pour expli­quer un tel engagement.

Peut-être est-il ques­tion de dévo­tion, de connexion avec ces gar­çons ou ces filles asia­tiques qui les font fré­mir et forcent leur admi­ra­tion ? À n’en pas dou­ter, il y a une volon­té d’être à la hau­teur de ceux qu’ils admirent par-des­sus tout. 

Le collectif en chair et en os : plaisir d’être ensemble

Au-delà des capa­ci­tés mimé­tiques et spor­tives qui forcent l’admiration, il y a la force d’une com­mu­nau­té en présence. 

Oui, les jeunes passent bien trop de temps sur les écrans. Oui, ils forment par­fois des groupes connec­tés et her­mé­tiques qui se sou­cient peu des autres. Dans le cas de la ran­dom dance, ils se ren­contrent : ils sont ensemble, en chair, en os et en transpiration.

Une communauté sans clivages

Bien sûr, il y a des fan­doms (fan-clubs) pour chaque groupe : les admi­ra­teurs de BTS sont les Army, les amou­reux d’Ateez se nomment les Ati­ny, etc. Chaque ado­les­cent a ses idols (artistes de Kpop favo­ris) et sur­tout ses bias (membres pré­fé­rés au sein de chaque for­ma­tion). Il n’y a pas d’antagonisme der­rière ce vocable d’initiés, mais une simple affaire de goûts.

Par la force des choses, la ran­dom dance ban­nit les non-ini­tiés. Car les cho­ré­gra­phies ne sont pas des danses de l’été aux gestes enfan­tins et les badauds admi­ra­tifs ne peuvent pas pas­ser à l’action.

Mais cette com­mu­nau­té est vivante, elle fait plai­sir à voir et elle est belle à regar­der. Son éner­gie est com­mu­ni­ca­tive. Elle ne s’exprime pas sur le rejet des autres. 

Pour vous faire une idée : 

Ran­dom dance sur l’es­pla­nade de la Défense, à Paris, en 2023

À y regar­der de plus près, on constate qu’il n’y a pas de cli­vage filles/garçons. Les filles sont majo­ri­taires, mais les danses ne sont pas sexuées, les corps ne sont pas sexua­li­sés. À l’image des man­gas ou des groupes de Kpop, la notion de genre est floue, voire effa­cée. Cha­cun peut donc y trou­ver sa place s’il ne sou­haite pas se défi­nir par ce biais. 

Il se dégage de ces ses­sions un aspect rituel, voire tri­bal, qui rap­pelle les danses col­lec­tives dont le rythme mène à l’extase de ceux et celles qui y par­ti­cipent. Quant au public, il est char­mé, même s’il ne raf­fole pas de musique com­mer­ciale coréenne.

Un phénomène nouveau accepté culturellement

Des acti­vi­tés exté­rieures ont dû mon­trer patte blanche avant d’être tolérée/s dans l’espace public : le skate, le par­kour, le street art, etc. La Kpop ran­dom play dance ne dérange per­sonne et elle a trou­vé sa place à bas bruit dans de nom­breuses métro­poles à tra­vers le monde. L’association du groupe bri­tan­nique Cold­play et de BTS pour le titre My uni­verse atteste que le phé­no­mène est accep­té culturellement. 

À lire aus­si : l’im­por­tance du sport à l’adolescence


Les ras­sem­ble­ments de danse Kpop n’ont rien d’ordinaire. Ils sont pour les par­ti­ci­pants l’opportunité de créer du lien en dehors de leur cercle habi­tuel. Si les lights­ticks ache­tés en concert et les pos­ters de Big Bang ou de Black­pink finissent un jour au pla­card, la beau­té d’avoir avan­cé avec un objec­tif com­mun sub­sis­te­ra. Alors sur­tout, lorsque vous croi­se­rez ces jeunes dan­seurs, arrê­tez-vous cinq minutes et lais­sez-vous transporter.

Cet article a été rédi­gé par Anne-Claude Jaouen, rédac­trice Web et pro­fes­seure d’Anglais.

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Photo de Carole Levy

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Je m’ap­pelle Carole Levy et je par­tage avec vous mes appren­tis­sages, mes expé­riences et mes connais­sances.

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