Cette semaine, j’ai le plaisir d’accueillir Carole Bordon, de l’excellent blog J’aime mon avenir. À ma demande, elle s’est penchée sur la réforme des collèges, entrée en vigueur en France à la rentrée 2016.
Spécialiste de l’orientation des jeunes, Carole Bordon vous livre le fruit de son travail de titan, décrit les changements d’emploi du temps, les changements organisationnels et pédagogiques, les changements de l’évaluation et de l’épreuve du Brevet, ainsi que les changements des parcours éducatifs.
Elle vous donne son avis d’experte à la fin de l’article.
Je lui laisse la parole… À toi, Carole 😉
Si vos enfants sont au collège cette année, quelle que soit leur classe, ils doivent être impactés par la réforme du collège.
Je vous propose dans cet article de faire un point sur l’objectif et les changements significatifs induits par cette réforme, puis de m’attarder plus longuement sur ce qui va changer en matière d’orientation, puisque mon blog aborde cette thématique.
Cet article est long car il concerne une réforme d’envergure, mais je l’ai construit de façon à ce que vous puissiez piocher dedans les informations qui vous intéressent !
De quelle réforme parle-t-on et quel en est l’objectif ?
Cette réforme du collège unique est inscrite dans la loi d’orientation et de programmation pour la Refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013. Elle ne constitue que l’un des chantiers prévus par cette loi, qui concerne le système éducatif dans sa globalité.
Plusieurs arrêtés et décrets sont venus depuis lors, préciser les modalités de la mise en œuvre de la réforme du collège.
Il a été soulevé ici ou là des contradictions entre le texte de loi et les décrets ou arrêtés visant à sa mise en application. Je ne m’attarderai pas sur ces points, souhaitant m’attacher à ce qui va réellement se passer à partir de la rentrée 2016 pour vos enfants.
Cette loi vise à élever le niveau de connaissances, de compétences et de culture de tous les enfants, à réduire les inégalités sociales et territoriales ainsi que le nombre de sorties sans qualification.
Elle tente de répondre en cela aux failles de notre système éducatif mises en relief régulièrement par le Haut Conseil de l’Éducation, qui met invariablement l’accent sur la reproduction des inégalités sociales par l’école ainsi que sur la baisse de niveau globale des élèves dont une partie ne maîtrise même plus les savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter)…
Elle tente également de s’adapter, en agissant sur plusieurs leviers, face aux évolutions de notre société et du monde économique, afin de continuer sa mission d’insertion des jeunes.
Dans cette ligne, l’objectif affiché de la réforme du collège unique est de viser la plus grande réussite d’un plus grand nombre d’élèves.
Des changements d’emploi du temps
L’horaire hebdomadaire
L’horaire hebdomadaire est de 26 heures par semaine pour les quatre niveaux, comprenant enseignements communs et enseignements complémentaires obligatoires (voir ci-dessous pour leur définition).
Ces 26 heures constituent un volume horaire moyen qui peut être modulé par chaque établissement sur une année. De ce fait, un collégien peut avoir 24 heures de cours une semaine et 28 heures une autre semaine, pourvu que, sur l’année :
- le volume horaire de 936 heures de cours du à chaque élève soit respecté,
- le volume horaire global du à chaque discipline sur l’ensemble d’un cycle soit respecté.
Un numéro d’équilibriste qui devrait décourager pas mal d’établissements…
La réforme autorise le dépassement de cette moyenne de 26 heures dans les cas suivants, pour :
- incrémenter les 10 heures annuelles de “vie de classe” par niveau,
- les élèves volontaires souhaitant suivre des enseignements complémentaires (latin, grec appelé aussi ” LCA ” Langues et Cultures Anciennes, et langues régionales),
- les élèves de 6ème souhaitant poursuivre l’apprentissage d’une deuxième langue commencée à l’école élémentaire et que l’on nomme la ” bi-langue ” de continuité,
- les élèves volontaires souhaitant suivre des enseignements facultatifs proposés par le collège lui-même (chorale, théâtre, etc.),
- les élèves de 6ème du réseau d’éducation prioritaire qui bénéficient d’un accompagnement continu jusqu’à 16h30.
A noter : cet horaire hebdomadaire moyen de 26 heures ne concerne pas les élèves de SEGPA et de prépa-pro.
L’horaire journalier
L’horaire journalier ne peut excéder 6 heures en 6ème, et 7 heures en 5ème, 4ème, 3ème. La pause méridienne est d’1h30 minimum.
Ce qui change pour le cycle 3 (classe de 6ème)
- L’introduction des SPC (Sciences Physiques et Chimie) dès la 6ème (avant, c’était en 5ème).
SVT (Sciences et Vie de la Terre), SPC et Technologie se partagent 4 heures par semaine, ce partage étant laissé à l’appréciation des équipes. Jusqu’ici, les élèves bénéficiaient d’1h30 de SVT et d’1h30 de Technologie. - Le basculement entre les niveaux. En Mathématiques, les élèves auront une demi-heure de plus en 6ème et une demi-heure de moins en 3ème par rapport à aujourd’hui. En français, les élèves auront une demi-heure de moins en 6ème et en 3ème mais une demi-heure de plus en 5ème et 4ème.
- Les 3 heures consacrées à l’accompagnement personnalisé (incluses dans les 26 heures) contre 2 heures auparavant qui venaient s’ajouter à un emploi du temps de 25 heures, ce qui faisait 27 heures au total.
Ce qui change pour le cycle 4 (classes de 5ème, 4ème, 3ème)
L’introduction d’une seconde langue vivante (LV2) dès la 5ème et non plus à partir de la 4ème, à raison de 2h30 par semaine.
Une demi-heure en moins par semaine de technologie et de SPC en classe de 3ème.
L’introduction de l’Accompagnement Personnalisé (AP) et des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI), à raison de 4 heures par semaine contre 2 heures auparavant d’IDD (Itinéraire De Découverte), qui venaient s’ajouter à l’emploi du temps des niveaux 5ème et 4ème (ce qui leur faisait respectivement 25 heures et 28 heures par semaine). Quant aux 3ème, ils avaient un planning de 28h30 sans heures dédiées à l’accompagnement personnalisé ni à l’Itinéraire De Découverte (IDD).
Pourquoi ces changements d’emploi du temps ?
La tendance est clairement à l’allégement global des emplois du temps. J’y vois deux raisons :
- s’aligner sur les pays de l’OCDE en terme de rythmes scolaires, la France possédant la journée scolaire la plus chargée,
- compter sur l’innovation pédagogique plutôt que sur la quantité d’heures de cours pour faire réussir tous les élèves.
Comme le disait Albert Einstein ” La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent” … 🙂
Des changements organisationnels avec les cycles
Le décret du 24 juillet 2013 a instauré la mise en place de quatre cycles d’enseignement d’une durée égale de trois ans, de l’école primaire à la fin du collège :
- Cycle 1 : cycle des apprentissages premiers, qui correspond aux trois années d’école maternelle, entré en vigueur le 1er septembre 2014.
- Cycle 2 : cycle des apprentissages fondamentaux, qui correspond aux classes de CP, CE1 et CE2.
- Cycle 3 : cycle de consolidation, qui correspond aux classes de CM1, CM2 et 6ème.
- Cycle 4 : cycle des approfondissements, qui correspond aux classes de 5ème, 4ème, 3ème.
Les cycles 2, 3 et 4 sont entrés en vigueur à compter du 1er septembre 2016.
Les programmes sont donc désormais cycliques et non plus annuels (voir ci-dessous pour leurs objectifs, contenus et évaluation).
L’avantage est que les acquisitions devant se faire sur un cycle, les élèves et les enseignants sont moins stressés par l’impératif du satané programme à boucler chaque année ! Une certaine flexibilité est introduite, qui me semble bénéfique.
A noter : l’introduction de la 6ème dans le cycle 3 a pour but d’assurer une continuité des apprentissages et de favoriser une bonne transition des élèves entre l’école élémentaire et le collège, mais cela nécessite des temps de concertation accrus entre l’école et le collège.
Des changements didactiques et pédagogiques
Les changements majeurs de la réforme des collèges
- Arrivée d’une seconde langue vivante dès la 5ème et non plus à partir de la 4ème.
- Diminution du volume horaire consacré aux enseignements de complément, auparavant appelées “options” (latin, grec et langues régionales, 2 heures contre 3 heures auparavant).
- Introduction des AP (Accompagnements Personnalisés) et EPI (Enseignements Pratiques Interdisciplinaires) dans les enseignements obligatoires.
- Disparition de la “classe euro ” .
- Disparition de la classe de découverte professionnelle de 3ème, remplacée par le ” Parcours Avenir ” qui introduit la découverte professionnelle dès la 6ème.
- Maintien possible selon les collèges de la classe bi-langues pour les enfants ayant pratiqué une seconde langue à l’école élémentaire.
- Augmentation du volume horaire de la seconde Langue Vivante.
Les changements didactiques
Le contenu des programmes est modifié dans toutes les matières et pour tous les niveaux à partir de la rentrée 2016.
Les enseignements du collège doivent permettre à chaque élève d’acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture.
Ils sont étalés sur les niveaux d’un cycle et concernent cinq grands domaines :
- Les langages pour penser et communiquer, au premier rang desquels la langue française évidemment, complétés par les langues étrangères et régionales, langages mathématiques, scientifiques, informatiques, artistiques, corporels, etc.
- Les méthodes et outils pour apprendre.
- La formation de la personne et du citoyen.
- Les systèmes naturels et les systèmes techniques.
- Les représentations du monde et l’activité humaine, qui concernent la compréhension des sociétés dans le temps historique et dans l’espace géographique.
Comme je le soulignais précédemment, les élèves ne doivent donc plus acquérir des compétences sur une année, mais sur la durée d’un cycle. Cela se veut une réponse à la diversité des rythmes d’apprentissage des élèves.
Les programmes fixent pour chaque cycle :
- les principaux enjeux et objectifs de formation,
- les contributions des disciplines à l’acquisition des cinq domaines du socle commun,
- les attendus de fin de cycle (les connaissances et compétences devant être acquises),
- des pistes de méthode pour les enseignants,
- des repères de progressivité.
Les établissements bénéficient donc d’une autonomie de décision sur la façon dont ils vont lisser ces programmes sur un cycle.
La priorité est donnée aux savoirs fondamentaux (français et mathématiques), grâce à l’apport de toutes les disciplines d’enseignement. L’encouragement à l’interdisciplinarité (notamment au travers des EPI), vise à renforcer le sens des apprentissages.
Les nouveaux programmes intègreraient mieux la dimension numérique, et allégeraient certaines matières, comme l’Histoire, dont les professeurs se plaignaient de la lourdeur des programmes et des quotas d’heures fixés par chapitre.
A noter : là où auparavant, on changeait les programmes année par année pour permettre une cohérence des enseignements donnés à une génération de collégiens, on change les programmes pour tous les niveaux et toutes les disciplines. Aussi, il se peut que les 4ème et 3ème soient amenés à revoir des choses déjà vues ou qu’ils loupent certains enseignements…
Cela peut poser problème également en cas de déménagement et de changement d’établissement. Toutes choses qui devraient pouvoir se régler dans le cadre de l’Accompagnement Personnalisé (voir ci-dessous).
Certains enseignants se plaignent d’une absence de repères annuels, tandis que les établissements réclament plus d’autonomie… Là où, à mon sens, cela peut poser problème, c’est si la concertation est insuffisante faute de temps ! Les enseignants bénéficient en outre sur le site ” Eduscol” de ressources d’accompagnement des nouveaux programmes. Enfin, ils sont théoriquement formés depuis 2015 dans le cadre de la formation continue.
D’autres plaintes concernent la baisse des horaires consacrées aux langues. Mais c’est sans compter le fait que la Langue Vivante 2 démarre une année plus tôt et que deux EPI concernent les langues ! Cela pour répondre au piètre niveau des élèves français en langues. Excepté que, si l’on fait plus que ce que l’on fait déjà mais sans faire mieux, c’est un coup d’épée dans l’eau ! Les pratiques pédagogiques sont à revoir et le niveau d’un pays en matière de langue étrangère ne tient pas seulement à ce qui se passe dans le cadre de l’école. Les jeunes scandinaves sont immergés dans la langue anglaise dès leur plus jeune âge à travers les programmes TV par exemple…
Les changements pédagogiques de la réforme des collèges
La démarche de projet avec les EPI (Enseignements Pratiques Interdisciplinaires)
Les EPI, qui ne concernent que le cycle 4, ” permettent de construire et d’approfondir des connaissances et des compétences par une démarche de projet conduisant à une réalisation concrète, individuelle ou collective” (article 3 II de l’arrêté du 19 mai 2015).
Huit thématiques d’EPI sont proposées, et les élèves doivent bénéficier d’au moins six thématiques au cours du cycle. Les thématiques sont les suivantes :
- Corps, santé, bien-être et sécurité.
- Culture et créations artistiques.
- Transition écologique et développement durable.
- Information, communication, citoyenneté.
- Langues et cultures de l’Antiquité.
- Langues et cultures étrangères ou, le cas échéant, régionales.
- Monde économique et professionnel.
- Sciences, technologie et société.
Ces enseignements sont dits complémentaires, ils sont obligatoires et permettent la mise en œuvre des programmes disciplinaires. Chaque établissement devra décider par niveaux quels thèmes seront travaillés, quelles disciplines seront impliquées, etc.
Par exemple, l’EPI ” Sciences, technologie et société” pourra en 5ème, croiser les cours de Technologie, Mathématiques et Sciences Physique-Chimie, au travers de la production d’un prototype.
Les modalités d’intervention :
L’intervention conjointe de plusieurs enseignants sur un même cours étant difficile à mettre en œuvre (même si pas complètement impossible), leur intervention devrait être plutôt consécutive dans une même heure de cours ou sur plusieurs semaines.
L’Accompagnement Personnalisé (AP)
Il est également obligatoire, et mis en place pour s’assurer que chaque élève puisse s’approprier les méthodes de travail, et permettre l’approfondissement ou le renforcement des compétences.
Ils se fera en groupe (classe ou plus petits groupes) avec les enseignants de toutes les disciplines, selon le choix de chaque établissement.
Changement de l’évaluation
On s’oriente vers une suppression progressive des notes et le développement en parallèle d’une évaluation par compétences.
Chaque établissement, au travers d’un conseil de cycle, fixera les modalités d’évaluation des compétences en continu.
Un livret scolaire unique suivra l’élève du CP à la 3ème
Sur ce livret, il y aura :
- Un bulletin périodique précisant les thèmes traités par les élèves dans chaque discipline, EPI et AP, ainsi que ses notes, si le collège décide de conserver celles-ci, mais il n’y aura plus de moyenne générale. Seuls les EPI ne devront pas faire l’objet d’une note mais d’une évaluation par compétences obligatoire.
- Un bilan en fin de cycle sur l’acquisition des compétences.
Une case est prévue pour l’évaluation des trois parcours scolaires dans le bulletin (voir ci-dessous).
L’évaluation par compétences
De nos jours, dans le monde professionnel, on nous demande d’avoir des connaissances mais aussi et surtout, des compétences. Les fiches de poste des Ressources Humaines listent les compétences à avoir pour occuper tel ou tel poste. Les compétences sont donc au cœur de la démarche Ressources Humaines même si aujourd’hui, la tendance est aussi à l’identification des talents particuliers de chacun. La frontière entre ces deux notions est parfois mince.
Dans tous les cas, par l’apprentissage, l’expérience, nous acquerrons des compétences. A l’école primaire aujourd’hui, les élèves sont déjà évalués sur ce mode.
Je pense que ce mode d’évaluation est plus parlant pour un collégien qu’une note. Il lui permet de se situer de façon bien plus simple, et l’habitue à raisonner en termes de compétences, une notion qu’il retrouvera probablement dans le monde professionnel.
Les collèges ont encore la possibilité de noter les élèves, mais le Ministère préconise de varier les modes d’évaluation. Seuls les bilans de fin de cycle seront conservés par l’Éducation Nationale, les bulletins périodiques n’étant pas conservés au-delà de l’année en cours.
Le Brevet version 2017 dans la réforme des collèges
L’élève devra totaliser 350 points sur 700 pour être reçu.
Sur ces 700 points, 400 points concernent la maîtrise des compétences du socle commun, évaluée en contrôle continu. Autrement dit, là où auparavant les notes attribuées par les enseignants pour chaque discipline (hormis l’histoire-géographie) tout au long de l’année permettaient aux élèves de gagner des points pour le Brevet, désormais, c’est l’évaluation du niveau de maitrise des compétences du socle commun qui leur permettra d’accumuler des points.
L’élève obtiendra pour chaque domaine, sans aucune modulation possible :
- 10 points (maîtrise insuffisante),
- 25 points (maîtrise fragile),
- 40 points (maîtrise satisfaisante),
- 50 points (très bonne maîtrise).
Les élèves ayant suivi un enseignement de complément (latin/grec) obtiendront 10 points si les objectifs du cycle sont atteints, 20 points s’ils sont dépassés.
Les 300 points restants pourront être acquis lors du contrôle final qui comprendra deux épreuves écrites et une épreuve orale.
La première épreuve écrite, d’une durée de 3 heures, portera sur les mathématiques, la Physique-Chimie, les Sciences de la Vie et de la Terre, et la Technologie.
La seconde épreuve écrite, d’une durée de 5 heures, portera sur le français, l’histoire-géographie, l’enseignement moral et civique.
Enfin, l’épreuve orale portera sur la soutenance d’un projet construit dans le cadre des EPI ou de l’un des parcours éducatifs suivis. Elle est d’une durée de quinze minutes. C’est l’élève qui choisit le thème de sa soutenance.
L’épreuve obligatoire d’histoire des arts disparaît.
Obtenir un niveau A2 (niveau élémentaire) reconnu au niveau européen en langue vivante n’est plus une condition nécessaire pour obtenir le brevet. Les attendus en fin de cycle 4 sont un niveau B1 (pré-intermédiaire) en Langue Vivante 1 et un niveau A2 en Langue Vivante 2.
Changement des parcours éducatifs
Il y a trois parcours éducatifs :
- Parcours d’éducation artistique et culturelle.
- Parcours avenir.
- Parcours citoyen.
Le but de ces parcours est, à l’intérieur même des enseignements disciplinaires obligatoires, de co-construire des contenus interdisciplinaires (exercices, leçons, projets, etc.) et de favoriser l’ouverture sur l’extérieur (interventions, sorties, etc.). Aucune heure supplémentaire n’est donc dédiée à la mise en place de ces parcours.
Les deux premiers concourent à la validation du socle commun de compétences et ont été mis en place depuis la rentrée 2015. Le dernier ayant été institué après les attentats de janvier 2015, aucun texte réglementaire n’en précise l’organisation pour le moment.
Focus sur le Parcours Avenir et l’Orientation au collège
J’ai déjà expliqué dans un précédent article intitulé “L’orientation en 3ème : comment ça marche”, le fonctionnement de l’orientation (calendrier, procédures d’affectation, voies d’orientation, etc.). Rien n’a changé jusque-là, mis à part peut-être la procédure d’affectation, je reviendrai sur ce point. J’y évoquais le Parcours Avenir mais sans le décrypter. Aussi, je vous propose aujourd’hui de vous l’expliquer et de vous en donner ma lecture.
Le principal changement de cette réforme est d’introduire dès la 6ème, et ce jusqu’en Terminale, la découverte du monde économique et professionnel, et de permettre la construction progressive de leur orientation par les élèves, quelle que soit leur formation. Chaque élève doit développer une compétence à s’orienter.
Voici les trois objectifs visés par le Parcours Avenir :
- comprendre le monde économique et professionnel ainsi que la diversité des métiers et des formations,
- développer son sens de l’engagement et de l’initiative,
- élaborer son projet d’orientation scolaire et professionnelle.
Comme tous les parcours, sa mise en œuvre doit se faire dans le cadre des enseignements obligatoires (enseignements communs mais aussi complémentaires avec notamment les EPI).
D’ailleurs, il y a bien un EPI intitulé ” Monde économique et professionnel ” . Il se fait au travers de contenus construits en concertation avec, non seulement les enseignants de plusieurs matières (interdisciplinarité), mais aussi tous les personnels de l’établissement (Conseiller Principal d’Éducation, Direction, Conseiller d’Orientation Psychologue). L’orientation est un objet de travail commun, elle est l’affaire de tous.
Avec cette notion de parcours, vient la nécessité du traçage. C’est ce que devrait permettre l’application FOLIOS, sur laquelle peut être enregistré tout ce qui a été fait par l’élève dans le cadre du parcours.
Mon avis sur la réforme des collèges
La notion de parcours et la progressivité
Auparavant, il fallait attendre la 3ème pour pouvoir suivre une option de découverte professionnelle de 3 heures par semaine, et bénéficier d’un stage d’observation d’une semaine. Trop tardif à mon sens.
Dans ce parcours, on commence en 6ème, c’est déjà mieux, même si je pense que, dès le primaire, on pourrait permettre aux enfants d’explorer des activités professionnelles, notamment manuelles, aux côtés d’artisans locaux.
Parce que ces métiers sont visuels et peuvent être appréhendés par les élèves via l’expérimentation (par exemple, je regarde l’ébéniste et ensuite je travaille le bois). Parce qu’il n’y a aucune raison objective pour que l’école ne permette pas l’exploration de la société dans son ensemble et que l’on sépare artificiellement l’école de son environnement.
La notion de parcours introduit la notion de progression, et j’estime que cela va dans le bon sens. On construit progressivement son projet d’orientation, c’est un processus qui demande du temps, des explorations, des apprentissages, de la maturation.
L’intégration du parcours au sein des disciplines
Que ce parcours prenne place au sein même de chaque discipline me semble tout à fait naturel. Pourquoi ?
Parce que cela donne du sens aux apprentissages. Les élèves peuvent plus facilement faire du lien, entre ce qu’ils apprennent et la vie réelle !
Par exemple, il est à mon sens logique d’aborder les sciences par les nombreuses activités humaines qui en découlent, ou dans le cadre d’un travail interdisciplinaire, afin de montrer aux élèves les connexions concrètes entre disciplines et activités professionnelles.
Un EPI peut permettre aussi l’interrogation salutaire sur le sens du travail ou des activités professionnelles, au travers des époques, des pays, et ainsi faire coïncider philosophie (même si cette matière n’est pas au programme en tant que telle), histoire, géographie, etc.
La pédagogie de projet dans la réforme des collèges
Au-delà du Parcours Avenir, les EPI induisent la notion de projet, et c’est à mon sens positif que les élèves travaillent sur ce mode là, que nous connaissons tous dans nos activités professionnelles et personnelles. Cela peut leur permettre de développer des compétences transverses comme le travail en équipe, la communication, la planification, l’organisation, l’adaptation, la diplomatie, etc. Encore faut-il qu’ils soient motivés et enthousiastes pour s’approprier le projet et le réaliser !
Le renforcement de la relation école/entreprise
Ce n’est pas une nouveauté du Parcours Avenir, mais disons que l’appel à renforcer cette relation est clair. Les académies doivent s’emparer de la question, afin de mettre à disposition des établissements des outils permettant de faciliter cette relation.
Les établissements, depuis longtemps, font venir des professionnels en classe, organisent des forums en leur sein, emmènent les enfants à des Salons, des visites d’entreprise, etc.
En effet, qui mieux qu’un professionnel pour parler de son métier, de son secteur d’activité et surtout pour le montrer ?
C’est positif si la pédagogie est adaptée. Ce qui compte par dessus tout, c’est la pédagogie. Si les métiers font l’objet d’exposés fastidieux par des professionnels fatigués, du type cours magistral… Au secours ! Les interventions doivent être préparées en amont avec les professionnels, afin que celles-ci permettent aux élèves de découvrir le véritable sens d’une activité professionnelle, auprès de professionnels aimant ce qu’ils font. Ces derniers transmettront leur passion plus que leur métier …
Les élèves doivent pouvoir expérimenter au maximum, voir, toucher et mobiliser tous leurs sens dans cette découverte. C’est pourquoi il est préférable de sortir, d’aller sur place, de voir des démonstrations, de s’essayer. Un vrai challenge pour l’école qui, aujourd’hui, surtout avec les consignes de sécurité liées aux plans Vigipirate, est très fermée sur elle-même.
Une pédagogie active est nécessaire, c’est pourquoi des initiatives comme les micro-entreprises, les concours de jeunes inventeurs, les reportages (etc.) sont à mon avis de bien meilleures façons d’appréhender le monde professionnel qu’en étant assis à écouter parler un professionnel. Elles permettent en outre de répondre à l’objectif 2 du Parcours Avenir, qui est de susciter l’engagement et l’initiative.
L’avenir est à ceux qui sauront s’adapter, innover, entreprendre, même au sein d’une entreprise. Parce que nous ne connaissons pas le monde économique et professionnel de demain. Il y aura probablement de nouveaux défis à relever, de nouvelles activités professionnelles à imaginer et l’esprit entrepreneurial sera plus que jamais nécessaire. C’est ce qu’il faut encourager, et pour cela, il faut que notre système éducatif, dans ses pratiques pédagogiques, laisse infiniment plus de place à la liberté, à la créativité et à l’invention.
Le stage de 3ème générale
Un stage d’une semaine d’observation en 3ème générale ne me paraît pas suffisant… Les élèves peuvent certes, sur demande, faire un ou deux stages supplémentaires mais c’est au bon vouloir du principal du collège, et l’élève doit évidemment rattraper tous les cours de la semaine. L’année du brevet, la Direction et même les parents hésitent…
Et si un jeune veut, via un stage, valider ou infirmer plusieurs idées de métier ? Comment fait-il ?
Pourtant, rien de mieux qu’une immersion pour se faire une idée, dans la mesure bien-sûr où cette immersion est de qualité.
La difficulté la plus souvent rencontrée par les établissements est le manque de réseau des élèves pour trouver des stages, et les terrains de stage pauvres qui ne leur apportent pas grand-chose.
En s’y prenant tôt, on peut permettre aux élèves de faire de meilleurs stages, dans des domaines d’activité choisis et avec une co-construction pédagogique entre l’établissement et le professionnel qui accueille l’élève.
Il arrive que bien souvent, la recherche de stage démarre quatre ou six semaines avant. C’est beaucoup trop tardif, sauf pour les élèves qui, de par leur milieu familial, dispose d’un réseau et sont à l’aise dans leur communication.
L’entretien personnalisé
” En classe de 3ème, l’entretien personnalisé d’orientation permet de fixer les étapes, les progrès nécessaires et les démarches utiles pour préparer la décision d’orientation et d’affectation. L’orientation, notamment en fin de troisième, devra être améliorée pour n’être plus vécue comme une orientation subie, mais comme un choix réfléchi et assumé. ” (Source : Eduscol)
Un choix réfléchi et assumé, oui, c’est l’idéal. Si dans l’objectif 3, il est question de construire progressivement son projet d’orientation scolaire et professionnelle, il ne suffit pas d’explorer le monde professionnel pour savoir ce que l’on veut faire. Il faut également apprendre l’introspection, apprendre à faire des choix, développer ses facultés d’adaptation, et j’en passe. Ces apprentissages peuvent théoriquement se faire au sein du collège, ces compétences transverses ayant bien été identifiées par les concepteurs des nouveaux programmes comme des compétences clés de la capacité à s’orienter.
Mais rien ne remplacera la guidance des parents. Éduquer au choix, à l’autonomie, à l’introspection, encourager les explorations, donner confiance, susciter la créativité, la flexibilité (etc.) relèvent de la mission parentale. Je milite sur mon blog pour que les parents s’emparent de la question de l’orientation, sans attendre tout du collège ! Parce que tout dépendra du collège, de la façon qu’il aura de s’emparer de la question de l’orientation, de son inventivité, de ses moyens et de l’implication du corps éducatif.
Les procédures d’orientation et d’affectation
Les objectifs de réduction des inégalités et d’orientation choisie ne peuvent être atteints en conservant les procédures d’orientation et d’affectation de fin de 3ème qui se font via le logiciel AFFELNET.
Parce que les critères d’affectation sont modulés par les académies. Il y a donc forcément des différences entre académies et ces critères sont méconnus. Parce que les élèves au final sont bien ” orientés” via cette procédure, en fonction de critères qui leur échappent, et qui n’ont rien à voir avec eux-mêmes et leurs souhaits. Des critères qui tiennent à l’organisation du système, car il faut contrôler les flux d’élèves, en fonction de l’offre de formation existante sur le territoire, et les répartir de sorte que le système fonctionne.
La conservation de ces procédures est donc antinomique avec le concept de réussite pour tous puisqu’on sélectionne.
La liberté devrait être laissée aux parents et aux élèves, d’aller dans le lycée de leur choix, mais cela supposerait d’avoir une carte scolaire souple et adaptable.
De plus, avec la réforme, une zone d’ombre persiste quant à la procédure d’affectation AFFELNET, qui tient compte notamment des notes pour affecter les élèves dans tel ou tel lycée. AFFELENET a‑t-il été revu pour tenir compte à la fois des notes, et à la fois des évaluations en “mode compétence” ?
Conclusion sur la réforme des collèges
Comme toute réforme structurelle, la réforme des collèges se mettra en place progressivement. Il faut s’attendre à des ratés, des retards, des équilibres précaires, c’est normal. Le temps que les équipes se l’approprient vraiment concrètement. Les résistances internes, les moyens propres à chaque établissement, peuvent d’autant en retarder la mise en œuvre, malheureusement ou heureusement, selon le point de vue que l’on en a.
Je pense que cette réforme va dans le bon sens, sur certains points. Mais arrivera t‑elle à combler les inégalités sociales, j’en doute fort. Parce qu’il ne suffit pas de changer les programmes et d’introduire à petites doses des pratiques pédagogiques plus actives.
La loi parle de Refondation de l’école de la République, le mot est fort. Effectivement, c’est une nécessité, car l’école, de par son fonctionnement, est complètement obsolète. Elle ne tient notamment pas compte, et ce dès la maternelle, de ce que nous apprennent les neurosciences sur le fonctionnement du cerveau en matière d’apprentissage. Elle ne tient que peu compte de ce que l’on sait maintenant des prédispositions naturelles des enfants.
Nous en sommes encore, pour l’essentiel, à l’école de Jules Ferry, alors que la société a changé. L’école est restée figée, hiérarchique, normalisante.
Alors oui, nous avons bel et bien besoin de repenser notre système éducatif de fond en comble et bien besoin d’une refondation. Elle me semble toutefois trop timide. Mais Paris ne s’est pas construit en un jour, l’espoir est encore permis !
La Finlande a commencé à repenser son système éducatif dans les années soixante-dix, et il lui aura fallu une vingtaine d’années avant que cela ne se traduise dans les faits !
Si vous avez aimé cet article, partagez-le, et à très vite sur mon blog J’aime Mon Avenir si vous souhaitez aider vos enfants à trouver leur voie ! 😉
Ouch , en effet quel article et quel travail de titan. Tu nous as tout bien décortiqué. Si après ça on n est pas au clair avec cette nouvelle réforme, c’est vraiment qu’on y met pas du sien.
Mais bon, les réformes se suivent et le niveau baisse de plus en.plus alors..
En effet, excellent aperçu sur cette reforme assez contreversée. On s’aperçoit que pour l’appréhender, il faut prendre le temps de découvrir le contenu et cet article en fait une bonne synthèse.