2 bonnes raisons de lâcher le contrôle sur nos ados

lâcher le contrôle

Auteurs invités :

Alexan­dra & Fré­dé­ric de Parents Heu­reux – Enfants Heureux

Crédits photo : Myko­la Kravchenko

Cette semaine, la pro­blé­ma­tique de lâcher le contrôle sur nos ados est à l’hon­neur.
Pour cela, j’ai le plai­sir d’ac­cueillir Alexan­dra et Fré­dé­ric, du blog pétillant Parents-heu­reux-enfants-heu­reux , dont le pro­jet pas­sion­nant est de :

Se for­mer pour com­prendre et com­prendre pour accom­pa­gner, oser se remettre en cause pour construire un envi­ron­ne­ment plus beau et plus juste pour nos enfants et pour nous-mêmes” .

Alexan­dra et Fré­dé­ric, je vous laisse la parole…


Lors de l’a­do­les­cence, l’a­do prend conscience de la façon dont il a été éle­vé. Toutes les stra­té­gies que nous avions mises en place ne fonc­tionnent plus et cela devient sou­vent dif­fi­cile pour les parents… et pour les ados.
L’a­do­les­cent résiste for­te­ment au contrôle. C’en est même vital pour lui. Sa mis­sion est de pas­ser d’une per­sonne dont on a pris soin à une per­sonne qui pren­dra soin d’elle-même.
En même temps, nous sommes sou­vent inquiets car nous savons que notre enfant a gran­di et que ses actes peuvent être graves. Déso­lé pour le lieu com­mun mais “petits enfants petits sou­cis, grands enfants grands sou­cis” .

Par le contrôle nous aimerions :

  • le pro­té­ger et l’ai­der à faire les bons choix,
  • répondre à nos propres peurs (peur de l’é­chec, de la mala­die, de l’ac­ci­dent, de la mau­vaise ren­contre, du manque d’argent, etc.).

Alors pour­quoi lâcher le contrôle au moment où nous, parents, avons le plus peur de ce qui pour­rait arri­ver à notre enfant ?

Lâcher le contrôle car il est inefficace

Inefficace à cause des stratégies d’évitement

Toute ten­ta­tive de contrôle sur l’a­do­les­cent va entrai­ner des stra­té­gies d’é­vi­te­ment, ce qui rend le contrôle très inef­fi­cace. Sa créa­ti­vi­té sera sans borne pour contour­ner les obs­tacles que je lui ai impo­sés (men­songe, silence, agres­si­vi­té, etc.).

De plus, il est trop tard pour le contrôler : il vit déjà sa vie !

C’est peut-être dif­fi­cile à entendre, mais notre ado vit déjà sa vie. Des études ont mon­tré qu’un ado­les­cent passe plus de 95 % de son temps sans nous.
De ce fait, s’il s’a­git de le pro­té­ger, le contrôle sera inef­fi­cace, limi­té à 5 % de son temps …

Quand à mes peurs, elles m’ap­par­tiennent, et là aus­si le dia­logue est le meilleur moyen de lutte. L’in­ter­dic­tion auto­ri­taire le pous­se­ra à agir sans me le dire… tout en sachant qu’il agit quand même. Donc la peur est tou­jours là …

Si j’ai conser­vé un bon lien avec mon ado, je pour­rai expri­mer mes propres peurs et, ensemble, nous pour­rons mettre en place des stra­té­gies qui lui per­mettent de vivre ses expé­riences tout en cal­mant mes peurs autant que faire ce peut …

C’est dif­fi­cile de faire confiance à son ado, de le lais­ser sor­tir quand bon lui semble, sans savoir ce qu’il fait. Sou­vent nous crai­gnons des consé­quences graves. Pour­tant, que fait-il ? Il vit ses expé­riences et si les expé­riences ne sont pas le fruit d’une souf­france, elles ne sont pas préjudiciables.

J’ai regar­dé hier soir avec mes filles, le film La boum des années 1980. Cela n’a pas beau­coup chan­gé : les ados vivent leurs expé­riences, les parents veulent contrô­ler (en vain et sans aucune effi­ca­ci­té). La seule per­sonne qui par­vient à accom­pa­gner Sophie Mar­ceau dans son rôle de Vic est son arrière-grand-mère qui reste à son écoute, juste là, sans cher­cher à contrô­ler et en vivant sa propre vie avec enthou­siasme. Quant à ses parents, c’est plu­tôt eux qui sont en crise (infi­dèles, crise de la qua­ran­taine etc.).

Mais pire que l’i­nef­fi­ca­ci­té, le contrôle exces­sif peut dété­rio­rer le lien qui nous unit et qui est notre seule véri­table façon de l’accompagner.

Lâcher le contrôle, car il détériore la relation parents-ados

Le contrôle dété­riore la rela­tion parents-ados aus­si sûre­ment qu’un can­cer se géné­ra­lise par­fois et déforme un à un les organes vitaux. Il consti­tue une énorme perte d’éner­gie pour l’en­semble de la famille” .

cita­tion de Cathe­rine Dumon­teil-Kre­mer, dans “L’a­do­les­cence autre­ment.”

Le contrôle com­mence par le ques­tion­ne­ment, l’in­ter­ro­ga­toire et plus pré­ci­sé­ment le “vou­loir savoir” . Qu’as-tu fait aujourd’­hui ? Avec qui ? Où ?… Pour nous ras­su­rer, nous parents, avons envie de savoir où était notre ado aujourd’­hui, ce qu’il a fait, avec qui… Fume-t-il ? Monte-t-il en moto avec son copain ?

Je ne sais pas vous, mais moi, j’ai hor­reur qu’on me pose ce type de ques­tions. Cela me bloque et coupe le dia­logue (qui d’ailleurs n’en est pas un).

Par­fois, la pres­sion de la socié­té, de l’en­tou­rage fait que nous sou­hai­te­rions avoir un ado modèle, qui réus­sit à l’é­cole, ne fume pas, sort peu…

Si je lui impose mes choix et que je réus­sis à cas­ser ses stra­té­gies d’é­vi­te­ment, j’ai un grand risque de cas­ser aus­si le lien qui nous unit. Com­bien d’a­dos se détachent com­plè­te­ment de leurs parents ?

L’a­do a besoin de dis­cu­ter avec nous s’il le sou­haite. Il a besoin que nous soyons là quand il en a besoin. Oui on aime­rait bien pou­voir choi­sir le moment des dis­cus­sions nous-mêmes. Mal­heu­reu­se­ment cela ne marche plus à cette âge-là !

Donc le contrôle coupe le lien. Si mon ado a peur de se faire répri­man­der, ser­mon­ner, tôt ou tard, il ne par­le­ra plus et se mure­ra dans le silence ou le men­songe. Je ne pour­rai plus l’ac­com­pa­gner et, dès que pos­sible, il par­ti­ra.
Un exemple que je connais : Mathieu a pas­sé sa jeu­nesse à fal­si­fier ses bul­le­tins sco­laires pour répondre aux attentes de ses parents puis le jour de ses 18 ans, il les a quit­tés définitivement.

Mathieu n’est mal­heu­reu­se­ment pas un cas isolé !

Une petite comp­tine nous en pro­dui­ra l’ef­fet : plus il y a de règles plus il y a de trans­gres­sions, plus il y a de trans­gres­sions plus il y a de sanc­tions, plus il y a de sanc­tions plus il y a d’op­po­si­tion, plus il y a d’op­po­si­tion plus il y a de règles … En d’autres termes, les sys­tèmes nor­ma­tifs pro­duisent des symp­tômes qu’ils sont obli­gés de répri­mer, et de dénon­cer ensuite, ce qui revient à dire qu’ils fabriquent eux-mêmes les condi­tions de leurs propres évé­ne­ments graves.”

cita­tion de Roland Coe­nen, dans “Édu­quer sans punir : une anthro­po­lo­gie de l’a­do­les­cence à risques.”

Pour­tant notre ado a besoin de nous, il a besoin de parents qui le res­pectent, l’aiment sans le juger, l’ac­com­pagnent vers l’a­dulte qu’il est presque.

Mais alors comment faire ?

Le seul fait d’é­cou­ter (avec les oreilles et le cœur) ce qu’il est en train de vivre est une grande preuve d’a­mour, de confiance et de respect.

Bien enten­du, lâcher le contrôle ne veut pas dire aban­don­ner notre ado et ne pas voir ce qu’il fait.

Il peut être utile de me rap­pe­ler ma propre ado­les­cence et com­ment j’é­tais à son âge… Est-ce que j’o­béis­sais tou­jours à mes parents ? Com­ment fai­saient mes amis ? Dans quelles condi­tions ai-je conti­nué à obéir à mes parents ? Quelles étaient mes réac­tions et mes sen­ti­ments lorsque mes parents m’im­po­saient des règles strictes que je trou­vais injustes ? Au contraire, com­ment me sen­tais-je quand nous réus­sis­sions ensemble à trou­ver des règles que je trou­vais légi­times ? A quel moment ai-je res­sen­ti de la confiance en moi, le sens des responsabilités ?

Donc au lieu d’être dans une pos­ture de contrôle, je peux essayer de par­ta­ger, de col­la­bo­rer avec mon ado et fina­le­ment lui mar­quer un grand res­pect. Je peux essayer de m’in­té­res­ser à lui, à sa vie, à sa culture, à ses amis. Plus je serai proche de lui, plus je pour­rai l’ac­com­pa­gner dans ses prises de déci­sion s’il me le demande, et dis­cu­ter avec lui. Écou­ter pour qu’il me parle !

Atten­tion, pour cela il faut être prêt à accep­ter que ses déci­sions ne soient pas celles que j’ai­me­rais qu’il prenne.

Par exemple s’il me demande un tatouage, le lui inter­dire de façon auto­ri­taire a fort peu de chance de fonc­tion­ner. Sou­vent l’in­ter­dic­tion stricte a même l’ef­fet inverse à celui sou­hai­té. Si c’est vrai­ment impor­tant pour lui, il s’ar­ran­ge­ra pour faire son tatouage.

Par contre, en dis­cu­ter avec lui, com­prendre ce qu’il veut faire, pour­quoi, sur quelle par­tie du corps, dans quel ate­lier, s’as­su­rer avec lui qu’il s’est ren­sei­gné sur les risques, les pré­cau­tions à prendre … Tout cela va l’ai­der à nour­rir sa réflexion et à faire un choix éclairé.

Mon ado a besoin de moi pour l’ai­der à che­mi­ner dans son rai­son­ne­ment. Pas pour lui dire ce qu’il doit faire. L’ac­com­pa­gner c’est être à ses cotés et lui lais­ser la déci­sion finale une fois qu’il s’est infor­mé, en conscience.

Alors fai­sons confiance à nos ados et ils seront dignes de confiance ! Sou­ve­nons-nous de l’Ef­fet Pyg­ma­lion que je décris dans cet article !

Je vous invite éga­le­ment à visua­li­ser mon inter­view avec Cathe­rine Dumon­teil-Kre­mer : “L’a­do­les­cence aie-aie-aie” .

Et vous, com­ment avez-vous vécu le contrôle de vos parents ? Com­ment avez-vous réagi à leur contrôle ? Je suis impa­tiente d’a­voir vos témoi­gnages dans les commentaires !

Alexan­dra du blog Parents Heu­reux Enfants Heu­reux.
Mer­ci Carole pour ton invi­ta­tion à publier sur ton site 😉

Pour aller plus loin :

Bienvenue sur Adolescence Positive !

Photo de Carole Levy

Vous êtes parent, édu­ca­teur ou ani­ma­teur. Vous vous inté­res­sez par­ti­cu­liè­re­ment à la période de l’a­do­les­cence… Vous êtes au bon endroit !

Je m’ap­pelle Carole Levy et je par­tage avec vous mes appren­tis­sages, mes expé­riences et mes connais­sances.

Pour savoir pour­quoi et com­ment, je vous l’ex­plique dans “A pro­pos.”

Articles qui questionnent

6 Commentaires 

  1. pat

    J’ai tou­jours essayé de don­ner de l’au­to­no­mie à ma fille, dans un esprit de dia­logue, ce qui m’a valu nombre de conflits assez vio­lents avec sa grand-mère (mon étouf­fante de mère à la mode mama ita­lienne). Ma fille est en stage à 17 ans, je ne m’oc­cupe de rien sauf sur sa demande, et elle sait par­fai­te­ment s’or­ga­ni­ser pour aller à sa lieu de tra­vail à l’heure, se pré­pa­rer le petit-déjeu­ner, etc. Selon ma mère je devrais car­ré­ment tout faire à sa place et ne le lais­ser au choix de peur qu’elle fasse une erreur. C’est ce type d’at­ti­tude qui pro­duit des ados qui ne savent pas se débrouiller et qui res­tent dépen­dants des parents. Etouffent t’ils leurs ados pour cal­mer leurs angoisses parentales ?

    • Carole Levy

      Bon­jour Pat,

      Votre témoi­gnage est génial et je vous en remer­cie : vous arri­vez à lais­ser votre ado prendre son auto­no­mie mal­gré les pres­sions exté­rieures. Vous lui faites confiance et c’est essen­tiel. Par la même occa­sion, vous vous déchar­gez d’une cer­taine charge men­tale sur la logis­tique, ce qui vous libère aus­si bien du temps que de l’énergie.

      Quant à déter­mi­ner si les parents sur-inves­tis gèrent leurs propres angoisses, chaque cas est différent.
      Il y a aus­si l’as­pect “sché­ma de fonc­tion­ne­ment” acquis depuis l’en­fance et ren­for­cé par l’en­tou­rage et/ou par nos propres croyances limi­tantes à prendre en compte, à réa­li­ser, et à modi­fier selon son propre besoin.

  2. Parentado

    Bon­jour
    J’ai trou­vé votre article inté­res­sant et bienveillant.
    J’ai moi même un blog pour les parents d’ados et si je puis le per­mettre, l’idee De vous invi­ter à écrire sur ce sujet me semble inté­res­sante, qu’en fait pen­sez-vous ? Voi­ci le lien de mon blog afin que nous fas­sions connaissance
    paren​ta​do​mon​blog​.blog​spot​.com

    • Carole Levy

      Bon­jour,
      Je pense que nous pour­rons échan­ger par mail.
      Bien à vous,
      Carole.

  3. colonelreyel

    Père de 3 enfants, dont 2 ado­les­cents, je pense avoir fait le néces­saire pour édu­quer mes gar­çons et petit à petit nous lâchons la bride pour en faire des adultes res­pon­sables. J’ai essayé d’être assez proche, en effec­tuant avec cha­cun une acti­vi­té en quelque sorte un petit moment de com­pli­ci­té. Avec l’un je fais de la plon­gée sous-marine et avec l’autre je suis juge de gym­nas­tique, disons que pour ce sport je ne suis plus assez souple pour pratiquer 😉

    Ce soir, ils effec­tuent leur pre­mière soi­rée à la mai­son, bien enten­du les voi­sins sont infor­més car nous ne dor­mi­rons qu’à 2 kilo­mètres de notre domi­cile, mais c’est un grand pas vers leur indépendance.

    • Carole Levy

      Mer­ci pour votre témoi­gnage. Il est en effet très impor­tant de par­ta­ger avec nos enfants des moments de com­pli­ci­té, que ce soit à heure fixe et quand l’en­vie nous prend.
      Il serait inté­res­sant de savoir com­ment vous avez géré votre “lâcher-prise” pour la pre­mière soi­rée de vos ados : angois­sé, zen, fata­liste, dans les star­ting block pour inter­ve­nir si besoin …
      Comme tous les parents, vous avez aus­si dû abor­der le sujet de l’al­cool et autres substances.
      Je crois que l’i­déal est d’en par­ler le plus tôt pos­sible, d’é­ta­blir un dia­logue et le main­te­nir mal­gré d’é­ven­tuels désaccords.
      A bientôt,
      Carole.

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