Cette semaine, la problématique de lâcher le contrôle sur nos ados est à l’honneur.
Pour cela, j’ai le plaisir d’accueillir Alexandra et Frédéric, du blog pétillant Parents-heureux-enfants-heureux , dont le projet passionnant est de :
“Se former pour comprendre et comprendre pour accompagner, oser se remettre en cause pour construire un environnement plus beau et plus juste pour nos enfants et pour nous-mêmes” .
Alexandra et Frédéric, je vous laisse la parole…
Lors de l’adolescence, l’ado prend conscience de la façon dont il a été élevé. Toutes les stratégies que nous avions mises en place ne fonctionnent plus et cela devient souvent difficile pour les parents… et pour les ados.
L’adolescent résiste fortement au contrôle. C’en est même vital pour lui. Sa mission est de passer d’une personne dont on a pris soin à une personne qui prendra soin d’elle-même.
En même temps, nous sommes souvent inquiets car nous savons que notre enfant a grandi et que ses actes peuvent être graves. Désolé pour le lieu commun mais “petits enfants petits soucis, grands enfants grands soucis” .
Par le contrôle nous aimerions :
- le protéger et l’aider à faire les bons choix,
- répondre à nos propres peurs (peur de l’échec, de la maladie, de l’accident, de la mauvaise rencontre, du manque d’argent, etc.).
Alors pourquoi lâcher le contrôle au moment où nous, parents, avons le plus peur de ce qui pourrait arriver à notre enfant ?
Lâcher le contrôle car il est inefficace
Inefficace à cause des stratégies d’évitement
Toute tentative de contrôle sur l’adolescent va entrainer des stratégies d’évitement, ce qui rend le contrôle très inefficace. Sa créativité sera sans borne pour contourner les obstacles que je lui ai imposés (mensonge, silence, agressivité, etc.).
De plus, il est trop tard pour le contrôler : il vit déjà sa vie !
C’est peut-être difficile à entendre, mais notre ado vit déjà sa vie. Des études ont montré qu’un adolescent passe plus de 95 % de son temps sans nous.
De ce fait, s’il s’agit de le protéger, le contrôle sera inefficace, limité à 5 % de son temps …
Quand à mes peurs, elles m’appartiennent, et là aussi le dialogue est le meilleur moyen de lutte. L’interdiction autoritaire le poussera à agir sans me le dire… tout en sachant qu’il agit quand même. Donc la peur est toujours là …
Si j’ai conservé un bon lien avec mon ado, je pourrai exprimer mes propres peurs et, ensemble, nous pourrons mettre en place des stratégies qui lui permettent de vivre ses expériences tout en calmant mes peurs autant que faire ce peut …
C’est difficile de faire confiance à son ado, de le laisser sortir quand bon lui semble, sans savoir ce qu’il fait. Souvent nous craignons des conséquences graves. Pourtant, que fait-il ? Il vit ses expériences et si les expériences ne sont pas le fruit d’une souffrance, elles ne sont pas préjudiciables.
J’ai regardé hier soir avec mes filles, le film La boum des années 1980. Cela n’a pas beaucoup changé : les ados vivent leurs expériences, les parents veulent contrôler (en vain et sans aucune efficacité). La seule personne qui parvient à accompagner Sophie Marceau dans son rôle de Vic est son arrière-grand-mère qui reste à son écoute, juste là, sans chercher à contrôler et en vivant sa propre vie avec enthousiasme. Quant à ses parents, c’est plutôt eux qui sont en crise (infidèles, crise de la quarantaine etc.).
Mais pire que l’inefficacité, le contrôle excessif peut détériorer le lien qui nous unit et qui est notre seule véritable façon de l’accompagner.
Lâcher le contrôle, car il détériore la relation parents-ados
“Le contrôle détériore la relation parents-ados aussi sûrement qu’un cancer se généralise parfois et déforme un à un les organes vitaux. Il constitue une énorme perte d’énergie pour l’ensemble de la famille” .
citation de Catherine Dumonteil-Kremer, dans “L’adolescence autrement.”
Le contrôle commence par le questionnement, l’interrogatoire et plus précisément le “vouloir savoir” . Qu’as-tu fait aujourd’hui ? Avec qui ? Où ?… Pour nous rassurer, nous parents, avons envie de savoir où était notre ado aujourd’hui, ce qu’il a fait, avec qui… Fume-t-il ? Monte-t-il en moto avec son copain ?
Je ne sais pas vous, mais moi, j’ai horreur qu’on me pose ce type de questions. Cela me bloque et coupe le dialogue (qui d’ailleurs n’en est pas un).
Parfois, la pression de la société, de l’entourage fait que nous souhaiterions avoir un ado modèle, qui réussit à l’école, ne fume pas, sort peu…
Si je lui impose mes choix et que je réussis à casser ses stratégies d’évitement, j’ai un grand risque de casser aussi le lien qui nous unit. Combien d’ados se détachent complètement de leurs parents ?
L’ado a besoin de discuter avec nous s’il le souhaite. Il a besoin que nous soyons là quand il en a besoin. Oui on aimerait bien pouvoir choisir le moment des discussions nous-mêmes. Malheureusement cela ne marche plus à cette âge-là !
Donc le contrôle coupe le lien. Si mon ado a peur de se faire réprimander, sermonner, tôt ou tard, il ne parlera plus et se murera dans le silence ou le mensonge. Je ne pourrai plus l’accompagner et, dès que possible, il partira.
Un exemple que je connais : Mathieu a passé sa jeunesse à falsifier ses bulletins scolaires pour répondre aux attentes de ses parents puis le jour de ses 18 ans, il les a quittés définitivement.
Mathieu n’est malheureusement pas un cas isolé !
“Une petite comptine nous en produira l’effet : plus il y a de règles plus il y a de transgressions, plus il y a de transgressions plus il y a de sanctions, plus il y a de sanctions plus il y a d’opposition, plus il y a d’opposition plus il y a de règles … En d’autres termes, les systèmes normatifs produisent des symptômes qu’ils sont obligés de réprimer, et de dénoncer ensuite, ce qui revient à dire qu’ils fabriquent eux-mêmes les conditions de leurs propres événements graves.”
citation de Roland Coenen, dans “Éduquer sans punir : une anthropologie de l’adolescence à risques.”
Pourtant notre ado a besoin de nous, il a besoin de parents qui le respectent, l’aiment sans le juger, l’accompagnent vers l’adulte qu’il est presque.
Mais alors comment faire ?
Le seul fait d’écouter (avec les oreilles et le cœur) ce qu’il est en train de vivre est une grande preuve d’amour, de confiance et de respect.
Bien entendu, lâcher le contrôle ne veut pas dire abandonner notre ado et ne pas voir ce qu’il fait.
Il peut être utile de me rappeler ma propre adolescence et comment j’étais à son âge… Est-ce que j’obéissais toujours à mes parents ? Comment faisaient mes amis ? Dans quelles conditions ai-je continué à obéir à mes parents ? Quelles étaient mes réactions et mes sentiments lorsque mes parents m’imposaient des règles strictes que je trouvais injustes ? Au contraire, comment me sentais-je quand nous réussissions ensemble à trouver des règles que je trouvais légitimes ? A quel moment ai-je ressenti de la confiance en moi, le sens des responsabilités ?
Donc au lieu d’être dans une posture de contrôle, je peux essayer de partager, de collaborer avec mon ado et finalement lui marquer un grand respect. Je peux essayer de m’intéresser à lui, à sa vie, à sa culture, à ses amis. Plus je serai proche de lui, plus je pourrai l’accompagner dans ses prises de décision s’il me le demande, et discuter avec lui. Écouter pour qu’il me parle !
Attention, pour cela il faut être prêt à accepter que ses décisions ne soient pas celles que j’aimerais qu’il prenne.
Par exemple s’il me demande un tatouage, le lui interdire de façon autoritaire a fort peu de chance de fonctionner. Souvent l’interdiction stricte a même l’effet inverse à celui souhaité. Si c’est vraiment important pour lui, il s’arrangera pour faire son tatouage.
Par contre, en discuter avec lui, comprendre ce qu’il veut faire, pourquoi, sur quelle partie du corps, dans quel atelier, s’assurer avec lui qu’il s’est renseigné sur les risques, les précautions à prendre … Tout cela va l’aider à nourrir sa réflexion et à faire un choix éclairé.
Mon ado a besoin de moi pour l’aider à cheminer dans son raisonnement. Pas pour lui dire ce qu’il doit faire. L’accompagner c’est être à ses cotés et lui laisser la décision finale une fois qu’il s’est informé, en conscience.
Alors faisons confiance à nos ados et ils seront dignes de confiance ! Souvenons-nous de l’Effet Pygmalion que je décris dans cet article !
Je vous invite également à visualiser mon interview avec Catherine Dumonteil-Kremer : “L’adolescence aie-aie-aie” .
Et vous, comment avez-vous vécu le contrôle de vos parents ? Comment avez-vous réagi à leur contrôle ? Je suis impatiente d’avoir vos témoignages dans les commentaires !
Alexandra du blog Parents Heureux Enfants Heureux.
Merci Carole pour ton invitation à publier sur ton site 😉
Pour aller plus loin :
- “L’adolescence autrement ” de Catherine Dumonteil-Kremer.
- “Mon adolescent en 100 questions” , de Michel Fize.
J’ai toujours essayé de donner de l’autonomie à ma fille, dans un esprit de dialogue, ce qui m’a valu nombre de conflits assez violents avec sa grand-mère (mon étouffante de mère à la mode mama italienne). Ma fille est en stage à 17 ans, je ne m’occupe de rien sauf sur sa demande, et elle sait parfaitement s’organiser pour aller à sa lieu de travail à l’heure, se préparer le petit-déjeuner, etc. Selon ma mère je devrais carrément tout faire à sa place et ne le laisser au choix de peur qu’elle fasse une erreur. C’est ce type d’attitude qui produit des ados qui ne savent pas se débrouiller et qui restent dépendants des parents. Etouffent t’ils leurs ados pour calmer leurs angoisses parentales ?
Bonjour Pat,
Votre témoignage est génial et je vous en remercie : vous arrivez à laisser votre ado prendre son autonomie malgré les pressions extérieures. Vous lui faites confiance et c’est essentiel. Par la même occasion, vous vous déchargez d’une certaine charge mentale sur la logistique, ce qui vous libère aussi bien du temps que de l’énergie.
Quant à déterminer si les parents sur-investis gèrent leurs propres angoisses, chaque cas est différent.
Il y a aussi l’aspect “schéma de fonctionnement” acquis depuis l’enfance et renforcé par l’entourage et/ou par nos propres croyances limitantes à prendre en compte, à réaliser, et à modifier selon son propre besoin.
Bonjour
J’ai trouvé votre article intéressant et bienveillant.
J’ai moi même un blog pour les parents d’ados et si je puis le permettre, l’idee De vous inviter à écrire sur ce sujet me semble intéressante, qu’en fait pensez-vous ? Voici le lien de mon blog afin que nous fassions connaissance
parentadomonblog.blogspot.com
Bonjour,
Je pense que nous pourrons échanger par mail.
Bien à vous,
Carole.
Père de 3 enfants, dont 2 adolescents, je pense avoir fait le nécessaire pour éduquer mes garçons et petit à petit nous lâchons la bride pour en faire des adultes responsables. J’ai essayé d’être assez proche, en effectuant avec chacun une activité en quelque sorte un petit moment de complicité. Avec l’un je fais de la plongée sous-marine et avec l’autre je suis juge de gymnastique, disons que pour ce sport je ne suis plus assez souple pour pratiquer 😉
Ce soir, ils effectuent leur première soirée à la maison, bien entendu les voisins sont informés car nous ne dormirons qu’à 2 kilomètres de notre domicile, mais c’est un grand pas vers leur indépendance.
Merci pour votre témoignage. Il est en effet très important de partager avec nos enfants des moments de complicité, que ce soit à heure fixe et quand l’envie nous prend.
Il serait intéressant de savoir comment vous avez géré votre “lâcher-prise” pour la première soirée de vos ados : angoissé, zen, fataliste, dans les starting block pour intervenir si besoin …
Comme tous les parents, vous avez aussi dû aborder le sujet de l’alcool et autres substances.
Je crois que l’idéal est d’en parler le plus tôt possible, d’établir un dialogue et le maintenir malgré d’éventuels désaccords.
A bientôt,
Carole.